La passation directe des marchés publics sous les seuils constitue une procédure simplifiée permettant aux acheteurs publics de contracter rapidement avec des opérateurs économiques. Toutefois, cette apparente souplesse cache de nombreux écueils juridiques qui exposent les acteurs à des risques contentieux significatifs. Malgré l’absence d’obligation formelle de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de faible montant, le respect des principes fondamentaux de la commande publique demeure impératif. La multiplication des contrôles et la vigilance accrue des instances de régulation rendent désormais périlleuses les pratiques de passation directe non conformes. Cette problématique, au carrefour du droit administratif et des finances publiques, mérite une analyse approfondie tant pour les acheteurs que pour les opérateurs économiques souhaitant sécuriser leurs relations contractuelles.
Le cadre juridique des marchés sous seuil : entre souplesse apparente et contraintes réelles
Le Code de la commande publique prévoit un régime allégé pour les marchés dont le montant est inférieur aux seuils de procédure formalisée. L’article R2122-8 autorise même la conclusion de marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 40 000 euros HT. Cette disposition, qui vise à simplifier l’achat public pour les contrats de faible montant, ne doit pas être interprétée comme une exemption totale des règles de la commande publique.
En effet, l’article L3 du Code de la commande publique rappelle que, quel que soit leur montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes cardinaux s’appliquent même aux marchés passés sans formalité préalable. Le Conseil d’État a d’ailleurs confirmé cette position dans plusieurs arrêts, notamment dans sa décision du 7 octobre 2005 (n°278732, Région Nord-Pas-de-Calais), établissant qu’une obligation de transparence pèse sur tout acheteur public.
La jurisprudence administrative a progressivement affiné cette approche. Ainsi, dans l’arrêt SMIRGEOMES du 3 octobre 2008 (n°305420), le juge a précisé que les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ne peuvent être invoqués que par ceux susceptibles d’être lésés par ces manquements. Cette évolution montre l’attention portée à l’effectivité des principes fondamentaux, même pour les marchés de faible montant.
Les seuils applicables et leurs implications pratiques
Le régime juridique applicable varie selon différents seuils :
- Marchés inférieurs à 40 000 euros HT : dispense de publicité et de mise en concurrence
- Marchés de 40 000 à 90 000 euros HT : publicité adaptée
- Marchés de 90 000 euros HT aux seuils européens : publicité au BOAMP ou dans un journal d’annonces légales
Ces seuils ne constituent pas des frontières étanches entre différents régimes juridiques, mais plutôt des paliers dans un continuum d’obligations croissantes. La Commission européenne a d’ailleurs rappelé que même les marchés exclus du champ d’application des directives européennes restent soumis aux règles fondamentales du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne si un intérêt transfrontalier existe.
Pour les marchés inférieurs à 40 000 euros HT, l’acheteur doit veiller à choisir une offre pertinente, à faire bon usage des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec le même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. Ces exigences, bien que moins formalisées, constituent néanmoins des contraintes juridiques dont la méconnaissance peut entraîner la nullité du contrat ou engager la responsabilité de l’acheteur.
Les manquements caractérisant une passation directe non conforme
Une passation directe de marché public sous le seuil peut être qualifiée de non conforme lorsqu’elle méconnaît les principes fondamentaux de la commande publique ou les règles spécifiques applicables aux marchés de faible montant. Ces manquements, loin d’être anodins, peuvent compromettre la validité du contrat et exposer l’acheteur à diverses sanctions.
Le premier type de manquement concerne le fractionnement artificiel des besoins. Cette pratique, prohibée par l’article R2121-4 du Code de la commande publique, consiste à scinder délibérément un marché en plusieurs segments pour rester sous les seuils de publicité. Le juge administratif se montre particulièrement vigilant face à ce type de manœuvre. Dans un arrêt du 29 juillet 2002 (n°232045), le Conseil d’État a annulé un marché dont le montant avait été artificiellement réduit pour échapper aux obligations de mise en concurrence.
Un autre manquement fréquent réside dans l’absence totale de mise en concurrence pour des marchés qui, bien qu’inférieurs aux seuils, présentent un intérêt transfrontalier certain ou concernent un secteur économique où plusieurs opérateurs sont susceptibles de répondre au besoin. La Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé dans l’affaire C-324/98 (Telaustria) que même pour les marchés non soumis aux directives, une obligation de transparence existe afin de garantir l’ouverture à la concurrence.
Les défauts de traçabilité et de justification
L’insuffisance de traçabilité constitue également un manquement significatif. L’article R2184-1 du Code de la commande publique impose la conservation des documents relatifs à la procédure, y compris pour les marchés de faible montant. L’absence de conservation des échanges avec les opérateurs consultés, des devis comparés ou des motifs du choix final peut être interprétée comme le signe d’une attribution arbitraire.
- Absence de rapport de présentation ou de note explicative justifiant le choix du titulaire
- Non-conservation des devis ou offres des opérateurs consultés
- Défaut d’information aux candidats évincés
La Chambre régionale des comptes relève régulièrement ces carences dans ses rapports d’observations. Dans une décision du 10 février 2010, le Tribunal administratif de Lille a considéré que l’absence de traçabilité constituait un élément à charge dans l’appréciation de la légalité d’un marché passé sans formalité.
Les manquements peuvent également concerner la définition préalable du besoin. Un marché passé directement sans que les prestations attendues aient été précisément définies expose l’acheteur au risque de surpaiement et contrevient à l’obligation de bonne utilisation des deniers publics. La jurisprudence administrative sanctionne ces pratiques, comme l’illustre l’arrêt du Conseil d’État du 8 août 2008 (n°309136) qui a confirmé l’annulation d’un marché dont l’objet était insuffisamment défini.
Enfin, l’attribution systématique à un même opérateur économique sans justification objective constitue un indice fort de non-conformité. Même sous les seuils, la rotation des prestataires doit être recherchée lorsqu’une pluralité d’offres peut répondre au besoin. Le délit de favoritisme, prévu à l’article 432-14 du Code pénal, peut être caractérisé en cas d’attribution préférentielle injustifiée, indépendamment du montant du marché.
Les risques juridiques et contentieux associés aux passations non conformes
Les conséquences d’une passation directe non conforme peuvent s’avérer particulièrement graves pour l’ensemble des acteurs impliqués. Ces risques se déploient sur plusieurs plans : contentieux, financier et pénal.
Sur le plan contentieux, le premier risque est celui du référé précontractuel, prévu aux articles L551-1 et suivants du Code de justice administrative. Cette procédure permet à tout opérateur économique s’estimant lésé par un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence de saisir le juge administratif avant la signature du contrat. Le juge dispose alors de pouvoirs étendus : il peut ordonner à l’acheteur de se conformer à ses obligations, suspendre la procédure, ou annuler les décisions s’y rapportant. Pour les marchés passés directement sans publicité, le délai de recours ne commence à courir qu’à compter de la publicité du contrat, ce qui prolonge considérablement la période d’insécurité juridique.
Après la signature du contrat, le référé contractuel (articles L551-13 et suivants du CJA) permet au juge d’annuler le contrat ou de prononcer des sanctions alternatives. Ce recours est particulièrement redoutable pour les marchés passés sans aucune mesure de publicité. Dans l’arrêt du 30 novembre 2011 (n°350788), le Conseil d’État a confirmé qu’un marché conclu sans publicité préalable alors qu’elle était obligatoire pouvait être annulé par le juge du référé contractuel.
Les sanctions financières et la responsabilité des agents
Au-delà des recours contentieux, les passations non conformes exposent à des sanctions financières significatives. La Cour de discipline budgétaire et financière peut prononcer des amendes à l’encontre des agents publics ayant méconnu les règles relatives à l’exécution des dépenses publiques. L’article L313-4 du Code des juridictions financières vise spécifiquement les infractions aux règles d’exécution des marchés publics.
- Amendes administratives pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros
- Remboursement personnel des dépenses irrégulières
- Inscription au casier judiciaire pour les infractions pénales
La responsabilité personnelle du comptable public peut également être engagée. Selon l’article 60 de la loi du 23 février 1963, le comptable est tenu de s’assurer de la validité de la créance avant de procéder au paiement. Le paiement d’un marché manifestement irrégulier peut conduire à la mise en débet du comptable, c’est-à-dire à l’obligation de rembourser sur ses deniers personnels les sommes indûment versées.
Sur le plan pénal, le risque majeur demeure le délit de favoritisme, défini à l’article 432-14 du Code pénal. Ce délit, qui sanctionne le fait de procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende. Dans un arrêt du 17 décembre 2008 (n°08-82319), la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’un élu local pour favoritisme dans le cadre d’un marché de faible montant, démontrant que l’application de ce délit n’est pas limitée aux marchés formalisés.
Enfin, les irrégularités dans la passation peuvent entraîner la nullité du contrat. Si cette nullité est prononcée, l’exécution des prestations déjà réalisées doit être indemnisée sur le fondement de l’enrichissement sans cause, généralement à un montant inférieur au prix contractuel, créant ainsi un préjudice financier pour le titulaire du marché.
Stratégies de prévention et bonnes pratiques pour sécuriser les passations directes
Face aux risques identifiés, les acheteurs publics disposent de plusieurs leviers pour sécuriser leurs procédures de passation directe. Ces stratégies préventives, loin d’alourdir inutilement le processus d’achat, constituent des garanties efficaces contre les contestations ultérieures.
La première bonne pratique consiste à mettre en place une procédure interne formalisée pour les achats sous seuil. Cette procédure doit préciser les modalités de mise en concurrence proportionnées à l’enjeu du marché, les méthodes d’estimation du besoin et les règles de traçabilité applicables. L’Agence française anticorruption recommande l’élaboration de tels guides internes dans son référentiel anticorruption destiné aux acteurs publics. Ces documents permettent d’harmoniser les pratiques au sein d’une même entité et de faciliter la formation des nouveaux agents.
La traçabilité des démarches effectuées constitue un élément central de sécurisation. Même pour les marchés de très faible montant, il est recommandé de conserver :
- Les demandes de devis adressées aux opérateurs économiques
- Les réponses obtenues et leur analyse comparative
- Une note explicative justifiant le choix du titulaire
Cette documentation, qui peut prendre la forme d’un rapport simplifié pour les marchés de faible enjeu, constitue un élément probatoire déterminant en cas de contestation. La Direction des Affaires Juridiques de Bercy souligne dans ses fiches techniques l’importance de cette traçabilité, même en l’absence d’obligation textuelle explicite.
L’anticipation et la mutualisation des besoins
Une estimation rigoureuse des besoins en amont permet d’éviter le fractionnement artificiel et de déterminer la procédure applicable. Les techniques d’achat prévues par le Code de la commande publique, comme les accords-cadres à bons de commande ou les marchés à tranches, offrent une flexibilité précieuse pour répondre à des besoins récurrents ou incertains tout en respectant les obligations de mise en concurrence.
La mutualisation des achats, via des groupements de commandes ou le recours à des centrales d’achat, constitue également une solution efficace. En regroupant leurs besoins, les acheteurs peuvent bénéficier d’économies d’échelle tout en sécurisant juridiquement leurs procédures. Le Tribunal administratif de Nantes, dans un jugement du 27 avril 2012, a validé cette approche en considérant qu’elle répondait à l’exigence de bonne utilisation des deniers publics.
Pour les marchés sous le seuil de 40 000 euros HT, la mise en place d’une rotation des fournisseurs consultés permet de prévenir les risques de favoritisme. Cette pratique, recommandée par la jurisprudence administrative, peut être formalisée par la tenue d’un registre des consultations précédentes. Certaines collectivités ont développé des outils numériques permettant d’assurer cette rotation de manière systématique et transparente.
Enfin, la formation continue des agents chargés de l’achat public constitue un investissement rentable. La complexité normative et l’évolution constante de la jurisprudence rendent indispensable une mise à jour régulière des connaissances. Des organismes comme le CNFPT ou l’IGPDE proposent des modules spécifiquement dédiés aux marchés sous seuil, permettant aux acheteurs d’acquérir les réflexes juridiques nécessaires à la sécurisation de leurs procédures.
Vers une réforme du cadre des marchés sous seuil : perspectives d’évolution
Le régime juridique des marchés publics sous seuil fait l’objet de réflexions constantes visant à concilier les impératifs d’efficacité de l’achat public et de sécurité juridique. Ces évolutions, tant au niveau national qu’européen, dessinent les contours d’un cadre renouvelé pour les passations directes.
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a servi de catalyseur à une réflexion sur l’assouplissement des règles applicables aux marchés de faible montant. Le décret n°2020-893 du 22 juillet 2020 a temporairement relevé le seuil de dispense de procédure à 70 000 euros HT pour les marchés de travaux et à 100 000 euros HT pour les achats de fournitures de santé. Cette expérience a permis d’évaluer l’impact d’un relèvement des seuils sur la rapidité des achats publics et sur le respect des principes fondamentaux de la commande publique.
Au niveau européen, la Commission a engagé une réflexion sur la simplification des règles applicables aux marchés sous les seuils des directives. Dans sa communication du 3 octobre 2017 intitulée « Faire des marchés publics un outil efficace au service de l’Europe », elle préconise une approche proportionnée pour les marchés de faible montant, tout en maintenant les garanties essentielles de transparence et d’égalité de traitement.
Les innovations numériques au service de la transparence
Les outils numériques offrent des perspectives prometteuses pour concilier simplicité des procédures et respect des principes fondamentaux. Des plateformes de mise en concurrence simplifiée permettent désormais aux acheteurs de solliciter rapidement plusieurs devis tout en assurant la traçabilité des échanges. Certaines collectivités ont développé des applications dédiées aux achats sous seuil, intégrant automatiquement les contrôles de conformité et la documentation des choix effectués.
- Plateformes de sourcing et de mise en relation acheteurs-fournisseurs
- Outils de suivi et d’archivage numérique des consultations
- Applications mobiles facilitant les demandes de devis multiples
La dématérialisation des procédures, même pour les marchés de faible montant, contribue à renforcer la transparence tout en réduisant les coûts administratifs. Le Conseil d’État, dans son étude annuelle de 2018 consacrée à la puissance publique et aux plateformes numériques, a souligné l’intérêt de ces outils pour moderniser l’achat public.
Une autre piste d’évolution concerne l’harmonisation des pratiques entre acheteurs publics. Des initiatives comme le réseau des acheteurs publics responsables favorisent le partage d’expériences et la diffusion de bonnes pratiques. La Direction des Achats de l’État a élaboré un guide méthodologique pour les achats sous seuil qui pourrait servir de référence commune aux différents acheteurs publics, réduisant ainsi l’insécurité juridique liée à l’hétérogénéité des pratiques.
Enfin, certains observateurs plaident pour une évolution du contrôle juridictionnel des marchés sous seuil. Plutôt qu’une approche formelle centrée sur le respect littéral des procédures, ils préconisent un contrôle axé sur l’effectivité de la concurrence et la bonne utilisation des deniers publics. Cette approche, inspirée du principe de proportionnalité, permettrait d’adapter l’intensité du contrôle aux enjeux réels du marché.
Le Parlement européen, dans sa résolution du 4 octobre 2018 sur le paquet « marchés publics », a invité la Commission à réfléchir à des mécanismes de règlement des différends plus souples pour les marchés de faible montant, suggérant que les voies de recours actuelles peuvent s’avérer disproportionnées pour ces contrats.
Retour d’expérience : les leçons des contentieux récents
L’analyse des contentieux récents en matière de passation directe non conforme permet de dégager des enseignements pratiques pour les acheteurs publics. Ces affaires illustrent les points de vigilance prioritaires et les arguments retenus par les juridictions.
Une tendance marquante concerne l’appréciation du fractionnement artificiel des besoins. Dans un arrêt du 27 novembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille (n°18MA04963) a confirmé l’annulation d’une série de marchés passés directement par une commune pour l’entretien de ses espaces verts. Le juge a considéré que ces prestations, bien que réparties sur différents sites, répondaient à un besoin unique et auraient dû faire l’objet d’une procédure formalisée compte tenu de leur montant cumulé. Cette décision illustre l’approche fonctionnelle adoptée par le juge pour caractériser l’unité du besoin, au-delà des divisions administratives ou géographiques.
La question de l’intérêt transfrontalier des marchés sous seuil fait également l’objet d’une attention croissante. Dans l’affaire C-318/15 (Tecnoedi Costruzioni), la Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé les critères permettant d’établir l’existence d’un intérêt transfrontalier certain : la valeur du marché, le lieu d’exécution des prestations et les caractéristiques techniques du marché. Cette jurisprudence a été reprise par les juridictions nationales, comme l’illustre un arrêt du Conseil d’État du 15 mars 2019 (n°413584) qui a annulé un marché passé sans publicité alors qu’il présentait un intérêt transfrontalier.
L’importance croissante de la motivation des choix
La motivation du choix du titulaire constitue un enjeu contentieux majeur. Dans une décision du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Lyon a annulé un marché de services informatiques passé directement, au motif que l’acheteur n’avait pas été en mesure de produire les éléments justifiant son choix. Cette exigence de motivation s’étend désormais aux marchés de très faible montant, comme l’a confirmé la Cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt du 18 novembre 2019 (n°18NC02551).
- Nécessité de documenter les critères de choix, même informels
- Obligation de conserver les éléments de comparaison entre les offres
- Exigence d’une motivation proportionnée à l’enjeu du marché
Les contentieux récents révèlent également l’importance de la transparence ex post. Dans plusieurs affaires, le juge a considéré que l’absence de publication d’un avis d’attribution, même pour les marchés sous seuil, pouvait constituer un manquement aux obligations de transparence lorsque le marché présentait un intérêt pour les opérateurs économiques. Cette position, qui étend les exigences de publicité au-delà de la phase de consultation, traduit une conception élargie du principe de transparence.
Sur le plan pénal, plusieurs condamnations récentes pour favoritisme concernant des marchés de faible montant méritent attention. Dans un arrêt du 25 juin 2020, la Cour de cassation (n°19-83.588) a confirmé la condamnation d’un directeur général des services pour avoir attribué directement plusieurs marchés au même prestataire sans mise en concurrence préalable. Le montant limité des marchés (environ 15 000 euros chacun) n’a pas été considéré comme un facteur d’atténuation, le juge pénal s’attachant davantage à l’intention frauduleuse qu’au préjudice financier.
Enfin, les contentieux récents mettent en lumière l’importance du contrôle interne. Dans plusieurs affaires, la responsabilité de l’acheteur a été aggravée par l’absence de mécanismes de vérification permettant de détecter les irrégularités avant la signature du contrat. Les juridictions financières, notamment les Chambres régionales des comptes, insistent régulièrement sur la nécessité de mettre en place des procédures de contrôle adaptées aux enjeux des marchés, y compris pour ceux passés directement.
Ces retours d’expérience soulignent que la simplification des procédures pour les marchés sous seuil ne s’accompagne pas d’un assouplissement du contrôle juridictionnel. Au contraire, les exigences de transparence et d’égalité de traitement tendent à s’appliquer avec une rigueur croissante, invitant les acheteurs à une vigilance accrue même pour les marchés de faible montant.
